L’union Domaines Vinsmoselle apprend à vivre sans glyphosate
Depuis plus de trois ans, l’union de coopératives Domaines Vinsmoselle s’est engagée à ne plus utiliser progressivement de glyphosate. Un an avant l’interdiction du produit au Luxembourg, plus de 90 % des vignerons l’avaient abandonné pour des solutions essentiellement mécaniques.
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A Stadtbredimus, petite ville du Luxembourg en bordure du fleuve Moselle à la frontière allemande, s’étend un vignoble de 800 ha dont les 320 vignerons produisent des vins de qualité salués par de nombreux prix internationaux. Sa marque Poll-Fabaire en crémant, ses blancs, rouges ou rosés sont connus jusqu’en Chine. La coopérative exporte 70 % de sa production, dont 90 % en Europe dans les pays voisins. L’union Domaines Vinsmoselle, issue en 1989 de la fusion de six caves coopératives locales, Greiveldange, Grevenmacher, Remerschen, Stadtbredimus, Wellenstein, Wormeldingen, assure le marketing et la vente.
Une démarche collective
Paul Funck, vice-président de la coop de Grevenmacher et membre du conseil d’administration de l’union Domaines Vinsmoselle, se rappelle : « Nous n’avons pas été surpris par l’interdiction du glyphosate en janvier dernier, car c’était en débat depuis plusieurs mois entre le ministère et les acteurs économiques. Heureusement, nous avions pris les devants. Il n’était pas question pour nous de nous lancer dans le bio. Aujourd’hui, à peine 1 % du vignoble l’est, sur un territoire très isolé. Nous nous sommes mobilisés et avons réfléchi, travaillé avec nos adhérents pour trouver d’autres solutions. »
Paul a commencé alors de multiples études. Il s’est rapproché des instituts de recherche, principalement allemands. « Depuis cinq ans, je n’utilise plus de glyphosate. Tout est mécanique, avec des disques ou brosses. C’est plus compliqué, moins efficace surtout en année pluvieuse, et plus coûteux car on passe plus de temps et dépense plus d’énergie. »
La coopérative s’est organisée pour fournir les conseils techniques et réguler les achats. Elle agit comme une centrale sur l’ensemble des intrants auprès de deux fournisseurs principaux du pays, Protvine et Versis pour les engrais, phytos, ainsi que le petit matériel (piquets, fil de fer…). Depuis deux ans, un système de points a été établi auprès des vignerons en fonction de leurs applications vertueuses sur les vignes. Sans un certain nombre de points, leur raisin ne pourra pas servir à élaborer les crus, facteur de valeur ajoutée pour le producteur. « L’évolution a été très rapide dans le bon sens ; 95 % du terroir est aujourd’hui homologué pour faire des crus. » Paul est toutefois inquiet pour l’avenir. « Nous pensions que le Luxembourg allait servir d’exemple en Europe pour l’arrêt total du glyphosate. Ce n’est pas le cas. Nous sommes donc défavorisés par rapport à nos voisins car nos coûts sont plus élevés. La distorsion de concurrence est réelle. »
Pas simple en grandes cultures
En production végétale, le débat n’est pas le même. Laurent Frantz, polyculteur-éleveur, ancien vice-président des Jeunes agriculteurs, s’approvisionne au négoce belge Barenbrug. « Sur mon maïs fourrager et le blé, l’absence d’un produit majeur comme le glyphosate se fait sentir. Mon technicien ne me propose plus de glyphosate depuis 2020. Faute d’avoir des alternatives, nous travaillons avec des mélanges plus forts et plus coûteux. C’est sans doute plus dangereux pour la nature. » Il y a peu de distributeurs au Luxembourg, ils sont essentiellement belges, français ou allemands. « Ils se sont tous rapidement adaptés aux conditions particulières de notre pays. Ce n’est pas simple car il faut constater qu’il y a bien plus de produits qui disparaissent qu’il n’en arrive. »
Les politiques tirent le bio
Le gouvernement luxembourgeois, outre le fait d’être un pionnier sur l’interdiction du glyphosate, veut l’être aussi sur le « Farm to Fork ». « Il y a un lobby permanent pour que nous ayons 25 % de production biologique en 2030. Nous sommes à moins de 6 % et probablement que nous n’arriverons qu’à 10 % au maximum. » Éleveur de bovins et céréalier, Laurent Frantz constate qu’en lait, l’offre en bio est bien supérieure à la demande des laiteries et il est content de ne pas être passé en bio. En revanche, en bovin allaitant, le gouvernement a créé fin 2020 deux labels qui ont boosté la demande et donc le prix. « Les politiques vont tirer le bio comme ils le peuvent, en créant une demande des consommateurs, c’est comme cela qu’ils vont faire bouger les agriculteurs, en leur garantissant un prix meilleur », prédit le polyculteur-éleveur. Ses blés de qualité sont livrés au moulin de Kleinbettingen. « Je fais partie des 260 agriculteurs luxembourgeois qui ont été sélectionnés dans le programme “produits du terroir” qui assure une qualité à la farine avec une traçabilité complète. Bien évidemment, le glyphosate a été exclu de ce programme. »
Christophe Dequidt
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